Saviez-vous qu’il est possible d’obtenir une rentabilité double grâce à certains titres de dette ? C’est le cas des obligations sociales, ou social bonds , qui financent exclusivement des projets ayant un impact social positif. En effet, à la performance financière s’ajoutent des bénéfices sociaux.
L’expansion des obligations sociales est spectaculaire, avec des émissions atteignant 130 milliards de dollars en 2024, contre seulement 1,8 milliard en 2015. Cette croissance rapide peut sembler surprenante, mais il existe des raisons profondes qui expliquent l’engouement croissant pour ces instruments financiers.
La question qui se pose est la suivante : les obligations sociales rapportent-elles plus que les obligations classiques ? Notre étude menée sur les émissions mondiales de social bonds entre 2015 et 2020 (hors entreprises privées) montre que leur rendement est comparable à celui des obligations classiques.

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Cela soulève une question intéressante : si le rendement financier est similaire, pourquoi les investisseurs choisissent-ils d’investir dans des obligations sociales ? La réponse réside dans le fait qu’ils recherchent non seulement une rentabilité financière, mais aussi une valeur ajoutée sociale. En d’autres termes, la rentabilité des obligations sociales est double : à la performance financière s’ajoutent des bénéfices sociaux, comme la satisfaction de contribuer à un projet ayant un impact positif sur la société.
Intérêt des obligations sociales
Qu’est-ce qu’une obligation ? Une obligation classique, tout comme une obligation sociale, représente une part d’emprunt émis par une entité. En contrepartie de son prêt, l’investisseur perçoit des intérêts, appelés « coupons ». Le taux d’intérêt ou « taux facial » lié au risque de l’émetteur, la durée de l’obligation ou « maturité » et la date de versement des intérêts sont connus à l’avance. Les obligations font l’objet d’une cotation en bourse.
De nombreux épargnants détiennent, souvent à leur insu, des obligations classiques dans le cadre de placements comme l’assurance-vie ou le Plan d’Épargne Retraite (PER). Or, depuis 2024, ces placements doivent inclure des fonds avec un label « vert » ou « social », comme Greenfin ou Finansol. Cette obligation légale oriente les investisseurs vers des supports financiers durables et responsables, ce qui suscite une demande importante.

OCDE
Les obligations peuvent être émises par différentes entités : organisation supranationale, État, collectivité locale, entreprise privée ou institution financière. Mais pourquoi les acteurs publics et privés choisissent-ils d’émettre des obligations sociales ? Ces titres de créance visent à financer des projets ayant un impact social positif, en ciblant des populations spécifiques telles que les personnes handicapées, sans emploi, défavorisées ou vulnérables… Les projets soutenus visent à promouvoir notamment la sécurité alimentaire, l’accès au logement, à des infrastructures – eau potable, énergie – ou à des services de base – santé, éducation –, ainsi que la création d’emplois.
Danone et Unédic
En 2018, Danone a été le premier acteur privé à émettre un social bond de 300 millions de dollars. Selon leur communiqué de presse :
« Le produit de l’émission sera alloué à des projets ayant un impact social positif pour les parties prenantes de Danone, notamment : les fournisseurs et les partenaires du monde agricole en soutenant des pratiques agricoles et d’élevage responsables […] ; les communautés locales […], à travers des fonds soutenant des projets dédiés à l’émancipation des populations et des entrepreneurs sociaux ; les personnes ayant des besoins nutritionnels spécifiques […] ; les entrepreneurs au service d’une alimentation saine […] ; les salariés, avec une amélioration de leur couverture santé, la prolongation du congé maternité et parental ainsi qu’un soutien post-natal. »
Autre exemple illustre : l’Unédic, qui finance l’assurance chômage en France grâce aux cotisations sociales. En période de chômage élevé, comme pendant la pandémie de Covid-19, la baisse des recettes oblige l’Unédic à emprunter pour sécuriser ses financements. En 2020, l’Unédic a ainsi lancé une émission de social bonds d’une valeur de 4 milliards d’euros. En 2020 et 2021, l’investissement a atteint 27 milliards d’euros. En 2022, avec la reprise de l’emploi, l’Unédic a émis seulement 1 milliard d’euros, investis dans la création et la reprise d’entreprises pour stimuler la relance économique. Ces emprunts ont permis de répondre aux défis sociaux urgents, ce qui renforce la légitimité de l’Unédic en tant qu’acteur économique engagé.
Récompenses sociales
Les Social Bond Principles, publiés par l’International Capital Market Association (ICMA), préconisent une évaluation externe des projets financés par les obligations sociales. L’objectif : assurer la transparence et la bonne allocation des fonds. Cette exigence engendre des frais supplémentaires pour l’émetteur par rapport aux obligations classiques.
Pour justifier ce surcoût, il est nécessaire de trouver des explications autres que financières à l’émission de social bonds. Au-delà de la rentabilité financière, les acteurs économiques – entreprises, investisseurs et citoyens – doivent répondre à des attentes sociales et éthiques qui orientent leurs comportements. Ces règles, qu’elles soient formelles – lois, droits de propriété – ou informelles – normes, coutumes –, permettent d’organiser les interactions et de renforcer la cohésion sociale.
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Les acteurs économiques qui respectent ces règles partagées peuvent bénéficier de récompenses sous forme de ressources supplémentaires. Ainsi, de nombreux émetteurs choisissent désormais les obligations sociales, non seulement pour l’apport financier qu’elles génèrent, mais aussi pour la légitimité qu’elles leur confèrent. Le fait de participer à des projets à impact est perçu comme un engagement positif, ce qui attire de plus en plus de financements, créant un cercle vertueux.
Changement d’échelle
Un rapport de la Banque mondiale en 2020 montre l’évolution du marché des obligations sociales. À l’origine, ces instruments financiers étaient principalement émis par des organisations multilatérales, comme la Banque Européenne d’Investissement. Par la suite, des institutions financières non souveraines ont suivi, imposant de nouvelles règles de finance responsable. Ces règles ont progressivement gagné en légitimité grâce à leur large adoption et à leur développement à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, l’impact social est considéré comme une composante essentielle de la performance des investisseurs et des entreprises.
Les obligations sociales, modèle hybride innovant, ont transformé la perception des investissements en introduisant une nouvelle logique où l’impact social devient aussi important que la performance financière. Ainsi, elles représentent bien plus qu’un simple placement financier : elles incarnent une manière nouvelle et durable d’investir dans l’avenir.