Le mal est fait. Donald Trump peut suspendre pour 90 jours les droits de douane « réciproques » (sans toucher aux 10 % déjà très lourds). Il peut rassurer la Bourse en déclarant que c’est le « bon moment pour acheter ». Il peut sauver la tech américaine et assouplir son duel avec la Chine par une exemption de taxes sur les smartphones et l’électronique grand public. Mais rien ne sera plus comme avant. Cette trêve ne doit pas être prise pour un armistice, ni cette détente pour une inflexion. Le chaos tarifaire orchestré par le président protectionniste signe le début de la fin de l’exceptionnalisme américain.
Pour mesurer le changement de paradigme, ne regardez pas le S&P500, mais plutôt le dollar et les T-bonds. Pendant Trump I et les tensions géopolitiques de la décennie passée, ils ont encore joué leur rôle de valeurs refuges, envers et contre tout. C’est fini. Donald Trump II est en train de tuer ce privilège aussi exorbitant que rassurant. Les taux montent, le billet vert baisse parce que la confiance à toute épreuve s’est évanouie, détruite par un leadership erratique, des institutions fragilisées, des normes démocratiques bafouées, une société fracturée… Une instabilité signature des pays émergents – qui l’eut cru !
Pour autant, pas question d’enterrer la première puissance mondiale, de minorer le pragmatisme trumpien ou de succomber à l’alternative du « modèle chinois ». En revanche, alors que se redessine une mondialisation multipolaire, il paraît désormais dangereux d’écarter un scénario apocalyptique. Comme celui d’une crise mondiale de la dette provoquée par les baisses d’impôt massives promises par le candidat du Make America great again. Cette « pause » est donc tout sauf un répit face au défi imposé à l’Europe, et d’abord à la France : reconstruire dans l’urgence une vraie souveraineté par des réformes structurelles trop longtemps ajournées.