Le schéma observé depuis l’investiture de Donald Trump se répète inlassablement. Annonces et décrets se succèdent à un rythme trépidant et exacerbent la volatilité sur des marchés financiers qui réagissent au quart de tour aux innombrables messages publiés sur le réseau social Truth.
Reléguée au second plan par les bouleversements géopolitiques, l’actualité économique continue néanmoins à exercer une certaine influence. Sans surprise, l’indice de prix lié aux dépenses de consommation personnelles (PCE) auquel se réfère la Réserve fédérale (Fed) affiche en janvier une progression plus sage que l’IPC, mais la progression de l’indice hors énergie et alimentation s’établit toujours au-dessus de la cible de 2% avec des variations de 0,28% sur un mois et de 2,65% en glissement annuel. Le repli de l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board, de 105,3 en janvier à 98,3 en février, corrobore le message transmis par l’enquête de l’Université de Michigan.
Du côté des entreprises, l’érosion de l’indice ISM consacré au secteur manufacturier, de 50,9 en janvier à 50,3 en février, est peu significative, mais tend à confirmer le ralentissement de l’activité mis en lumière par les PMIs de S&P Global. L’effondrement de la croissance du PIB estimée au premier trimestre à ‑2,8% selon la jauge GDPnow de la Fed d’Atlanta mérite en revanche d’être dédramatisé, car cette chute résulte essentiellement d’une explosion temporaire des importations dans la perspective d’un relèvement imminent des droits de douane.
Dans l’attente du rapport de l’emploi qui sera publié vendredi et qui pourrait avoir un fort impact, le repli des indices de confiance et l’augmentation des demandes d’indemnité de chômage (242.000 selon le dernier relevé hebdomadaire) traduisent un refroidissement du marché du travail qui pourrait inciter la Fed à opérer une quatrième réduction du taux d’intérêt des Fed funds dès le deuxième trimestre.
La chute des rendements en dollars, qui excède 20 points de base à toutes les échéances résulte aussi des perspectives mitigées dévoilées par Nvidia et surtout des craintes alimentées par la politique commerciale chaotique de Donald Trump. La salve de «tariffs» de 25% ciblant le Mexique et le Canada, après un mois de sursis, ainsi que les 10% de taxes supplémentaires infligés à la Chine au nom de la lutte contre le trafic d’opioïdes remet en question l’espoir d’une issue pragmatique et raisonnable. Les taxes «réciproques» visant notamment l’Europe et d’autres partenaires commerciaux épargnés jusqu’ici devraient être mises en œuvre le 2 avril.
En Europe, la Banque centrale (BCE) s’apprête à réduire son taux de dépôt de 25 points de base, de 2,75% à 2,5%, ce jeudi. Le reflux de la croissance des salaires négociés à 4,1% durant le quatrième trimestre 2024 devrait rassurer les faucons de la BCE, mais les chiffres d’inflation dévoilés lundi traduisent des tensions persistantes affectant les prix des services. En outre, l’analyse formulée par Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, au sujet du taux d’intérêt d’équilibre (r*) conduit à penser que la BCE a accompli une grande partie du chemin vers la neutralité et pourrait interrompre le cycle de baisses des taux d’intérêt en attendant d’observer un reflux plus convaincant de l’inflation. Le timide redressement de l’indice du sentiment économique de l’Union européenne ne traduit aucune rupture justifiant une baisse précipitée des taux d’intérêt. Sur le marché des capitaux en euros, les rendements sont à peu près stables et s’inscrivent toujours à des niveaux assez attrayants.
Le navrant spectacle qui s’est soldé par l’échec du «plan de paix» de Donald Trump pour l’Ukraine confirme la fin de l’ère de la Pax Americana. Le changement de paradigme et la disparition des derniers «dividendes de la paix» placent l’Europe face à des défis amplifiés par sa fragmentation et de nombreux obstacles institutionnels inhérents à un système démocratique. La mise en œuvre d’une politique de défense commune et des investissements massifs pour renforcer les capacités militaires paraissent désormais inévitables et pourraient donner lieu à des programmes d’émissions de dette commune.