Ça y est, ce que l’on redoutait depuis quelques semaines est désormais une réalité. Au Mali, les partis politiques et les associations à caractère politique sont dissous. Le décret est tombé ce mardi 13 mai 2025. Selon le ministre délégué chargé des Réformes politiques et du Soutien au processus électoral, cette décision découlerait des recommandations issues des Assises nationales sur la refondation de 2022 [large consultation de la société civile boycottée par une grande partie des acteurs politiques] ainsi que des concertations organisées plus récemment. Mais personne n’est dupe. L’extinction des partis politiques s’inscrit clairement dans une logique de verrouillage de la transition, visant à faire du général Assimi Goïta le seul maître à bord maintenant et pour très longtemps encore.
Le pays entre ainsi dans un long et sombre tunnel, dont nul ne sait ni quand ni comment il sortira. Une terrible régression pour une nation qui, jadis, avait su incarner une remarquable symbiose entre authenticité culturelle et promesse démocratique. Dans quelques années – deux ou cinquante, c’est selon –, lorsque le Mali aura retrouvé la voie de la raison, on se souviendra du 13 mai 2025 comme d’une date noire, porteuse de regrets et de tristesse. Elle symbolise une nuit profonde dont les préjudices restent encore difficiles à mesurer.
Car si les coups d’État de 2020 et 2021 étaient déjà une anomalie, c’est bien avec cette dissolution des partis politiques que le peu d’espoir que certains plaçaient en Assimi Goïta s’est effondré. Et pourtant, en son article 185, la nouvelle Constitution, adoptée lors du référendum du 18 juin 2023 et promulguée par le général Goïta le 22 juillet de la même année, est sans équivoque : “La forme républicaine de l’État, la laïcité, le nombre de mandats du président de la République et le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision.” Mais cela, c’était il y a deux ans. Aujourd’hui, la promesse du multipartisme a laissé place à un Mali sans partis, sans débat, sans contre-pouvoir. Un Mali avec un seul homme aux commandes : Assimi Goïta.
“Imbus d’eux-mêmes” et “convaincus de leur exception”
La prochaine étape semble déjà écrite : conférer au chef de la junte le titre de président de la République, avec un mandat de cinq ans renouvelable. Telle est l’autre recommandation issue des récentes concertations. C’est pour permettre cette transformation que les partis politiques sont devenus gênants. Ce recul remet en cause tous les arguments avancés pour justifier le coup d’État d’août 2020. On reprochait à feu Ibrahim Boubacar Keïta de mépriser la voix des Maliens, de nier la crise politique, de fermer les yeux sur une corruption généralisée. Ces reproches n’étaient pas infondés. Mais, aujourd’hui, où en est-on ? Que dire d’un pouvoir qui préfère les pseudo-concertations aux dispositions constitutionnelles ? Que penser d’un dirigeant prêt à exercer des mandats que le peuple ne lui a jamais accordés ? Ne sommes-nous pas face à la même confiscation de la volonté populaire ? N’est-ce pas le même déni, sous le pouvoir kaki ?
Ce qui se passe actuellement au Mali n’est, hélas, qu’un nouvel épisode d’une tragédie qui continue de hanter le continent africain : des bonds en arrière incessants, des pseudo-héros toujours appelés à décevoir, des lendemains qui déchantent, aussitôt les espoirs exprimés. Le plus affligeant et comique à la fois, c’est que ceux d’aujourd’hui, imbus d’eux-mêmes et sans doute convaincus de leur exception, croient réinventer la roue. Que nenni !